Les sources écrites nous ont fourni les versions suivantes du mythe sur la fondation du Sanctuaire de Delphes:
La version “scientifique” de Diodore
Diodore de Sicile (XVI, 26, 1-6) parle d’un pasteur qui, en faisant paître son troupeau dans la région, a noté des vapeurs qui s’élevaient d’une ouverture, à côté des Phédriades. Il a en effet vu qu’en approchant l’ouverture les animaux se comportaient étrangement par la suite. Quand il a lui-même approché l’ouverture pour voir ce qui se passait, il a commencé de parler dans des mots incompréhensibles, dans un état extatique. Par la suite, on a compris que ces mots prévoyaient le futur. Depuis lors, une prêtresse, la Pythie, s’est installée sur ce point, ainsi mettant les bases pour la fondation de l’Oracle.
La version homérique
Selon l’‘Hymne à Apollon’, le dieu s’est longuement tourmenté avant de se décider sur Delphes pour fonder son oracle. Il a commencé par Olympe, et après avoir passé par Lektos et par la région des Ainianes et des Perraivoi, il est arrivé à Iolkos. De là, il est passé à l’Eubée, au cap Kinaio, il s’est arrêté sur la plaine Lélantine et en traversant l’Eurippe il est passé de nouveau à la Grèce Centrale. Laissant la montagne Messapio derrière lui, il est passé par Mykalissis, Teumessos et il est arrivé à Thèbes. Mais Thèbes n’étaient pas non plus un lieux satisfaisant et il s’est dirigé vers Oghistos, il a traversé le fleuve Céphise et après avoir passé par Okalei et Haliarte, il est arrivé aux eaux de la source Telfoussa, par-dessous de la montagne homonyme. La nymphe Telfoussa l’a persuadé de se diriger vers Krissa. Ainsi, laissant Panopeas derrière lui, la cité des Phlegyes athées à la Kopaïs, il est arrivé à Krissa, afin d’y établir l’Oracle sur les pentes du Parnasse. Mais il s’est rendu compte du fait que la nymphe Telfoussa l’a triché, car elle l’a envoyé dans une terre aride et inhabitée; il est alors revenu à la source Telfoussa, l’a enfoui de pierres et il y a construit son propre autel. Par la suite, il a tué avec une flèche un dragon féminin qui dévorait des gens et des animaux et, quand elle agonisait, Apollon lui a crié “sur la terre et sous le feu du soleil pourris-tu (‘pytheu’), pour ne pas nuire aux gens qui monteront pour m’offrir des sacrifices et demander mon oracle”.
Selon l’Hymne, les premiers prêtres de l’Oracle étaient des Crétois, que le dieu avait sauvé lui-même sous forme de dauphin, en les transportant sur son dos dans cette région. Quand ils ont demandé au dieu comment pourraient-ils survivre dans cet endroit, car ils étaient accoutumés à la mer, le dieu leurs a répondu qu’ils allaient vivre par les offrandes des fidèles. C’est ainsi que les Crétois ont amené dans cette terre le culte d’Apollon Delphinios et la région a pris le nom de Delphes.
La déesse Gaia et l’oracle
Dans sa tragédie Euménides (l. 1-23) Eschyle présente une version différente. La divinatrice à Delphes fut la déesse Gaia, succédée par sa fille, Thémis. Par la suite est venue la Titane Phoebe, également une fille de Gaia, et par la suite Apollon, qui probablement fut appelé Phébus d’après Phoebé. Dans le mythe d’Eschyle, Apollon est venu de Délos et il s’est installé à Delphes sans avoir besoin de tuer Python. Il est également mentionné en tant que connaisseur de l’art divinatoire, aux côtés d’Athéna Pronaia, qui a appris cet art par les Thriae, les nymphes ailées du Parnasse, qui devinaient le futur à partir des rochers. Mais Apollon s’est plaint auprès de Zeus, qui a défendu son fils. Alors, Athéna a quitté l’art divinatoire en jetant ses pierres sur une plaine, qui s’appelle lors le Thriassio Pedio.
Selon Pausanias (Phocica 5 et 6), qui nous offre des versions différentes du mythe, le premier dieu considéré comme le propriétaire de l’Oracle fut Gaia, qui avait assigné Daphnis, une nymphe de la montagne, avec la remise des divinations.
Selon une autre tradition, que Pausanias retrouve dans Eumolpia, le poème épique de Mousaios, l’Oracle appartenait jointement à Gaia et Poséidon. Gaia remettait ses propres divinations alors que Poséidon avait Pyrkon comme devin. Par la suite, Gaia a donné la partie du Sanctuaire qui lui appartenait à Themis, qui a offert à son tour le sanctuaire à Apollon en tant que cadeau.
La version d’Apollon infant qui tue Python
Dans Iphigénie en Tauride (l. 1234-1282) d’Euripide il est mentionné qu’Apollon, quand il était encore un infant, est arrivé avec sa mère Léto de Délos au Parnasse et il a conquis l’Oracle, après avoir d’abord tué le monstre énorme (dragon) qui le gardait. Or, Gaia s’est fâchée, car de cette manière sa fille Thémis fut violemment chassée hors de l’oracle, et elle a commencé à envoyer des rêves prophétiques aux gens, afin d’affaiblir la puissance du dieu Apollon. Le problème fut finalement résolu par l’intervention de Zeus, qui a prit la partie d’Apollon, lui rendant le contrôle de la région.
La liaison avec les Hyperboréens
Finalement, Pausanias se réfère à un hymne composé par Boiô, et selon lequel les fondateurs du Temple étaient les Hyperboréens, dont on apprend de Pagasos, Agyieus et Olinas, entre autres, le dernier étant le premier devin.
La version du trépied
Un autre mythe mentionne Thémis comme possesseur de l’Oracle et Python est mentionné comme un monstre qui le gardait, tout en provoquant des nombreux désastres dans la régio; il brouillait les eaux dans les sources et les criques, il saisissait les troupeaux et les paysans, il détruisait les récoltes de la vallée fertile de Krissa et il faisait peur aux Nymphes. Après avoir tué Python, Apollon a prit l’Oracle de Thémis et a dédié un trépied au sanctuaire. Dès lors, le trépied a constitué un des symboles du dieu et Pythia s’y asseyait quand elle délivrait ses divinations.
La représentation sur le fronton est du Trésor des Siphniens raconte un autre mythe, selon lequel Hercules est venu demander une réponse de l’Oracle. Quand les prêtres ont refusé, sous prétexte qu’il n’était pas encore purifié du meurtre d’Iphitos, il a arraché le trépied delphique et il était prêt d’aller établir son propre oracle. Apollon a essayé de l’arrêter, ils se sont venus aux mains et Zeus a intervenu. Il les a séparés par une foudre, il a convaincu Hercules de retourner le trépied et Apollon de lui émettre la divination (Pausanias, Phocica 13, 7, se référant à la dédicace des Phocidiens).
Le nom
Dans l’Iliade (Β 519), dans l’Odyssée (θ 80) et dans l’Hymne à Apollon, Delphes est appelé Peithô. Bien que l’Hymne ne se réfère pas au site appelé Delphes, il parle par contre du mythe avec Apollon et le dauphin: le dieu ordonne les Crétois d’établir en son honneur un autel sur la plage de Krissa et de le vénérer comme Delphinios. Il s’agirait ici peut être d’un premier effort d’interpréter le nom de l’Oracle (delphis, dauphin – Delphes). A partir du VIIème s. av. J.-C. au plus tard, le nom Delphes est bien établi. Ainsi, lors de la période alexandrine, le dragon est appelé Delphyni et Delphynis (Callimaque, exc. 88 et Apollon Rhodien 2, 706), mais aussi Python (Apollodore Α 4,1: dragon, Α 6,3 Delphynis). Pausanias (Phocica 6) dédie un chapitre entier aux différentes explications mythologiques de la provenance tant du nom Peithô que du nom Delphes. D’autres étymologies sont: pour Peithô de pythomai (= se pourrir, car le cadavre du serpent qu’Apollon a tué s’est pourri), ou pynthanomai (= j’essaie d’apprendre, ainsi liant le nom de la région à l’œuvre de l’Oracle). Pour Delphes, on a proposé les étymologies suivantes:
• Delphos, le fils d’Apollon et de Kelainô, la fille d’Yamos ou de Thyia ou de Melaina, la fille du Céphise, qui était le premier roi de Delphes ou le chef des colons Crétois qui sont arrivés en Phocide et y ont établi Delphes.
• Delphys, qui veut dire utérus et qui renvoie soit à la forme de la région soit au fait qu’on y vénérait Gaia. Les habitants s’appelaient Delphoi.
L’art divinatoire : Sibylle et Pythie
Les divinatrices
Sibylle s’introduit dans le cadre de la tradition sur l’existence d’un oracle “primitif” et cette tradition la présente comme la divinatrice avant le temps d’Apollon. Dans le site archéologique de Delphes il y a un rocher sur lequel Sibylle s’assoyait et chantait les divinations qui, contrairement à la Pythie, étaient livrées sans question préalable. Les sources parlent d’Irophilè comme la Sibylle la plus ancienne (Paus. Phocica 12), et Sibylle, comme la Pythie, était le nom collectif des divinatrices depuis l’époque d’Apollon.
Le nom de Pythie était attribué à la première prêtresse qui gérait à chaque fois le sanctuaire du dieu Apollon. Initialement elle était une jeune vierge, mais par la suite et après l’enlèvement d’une pythie par un noble thessalien, il fut décidé, au moins selon les sources, que la Pythie devrait être d’âge moyen. Elle venait d’une famille de Delphes, indépendamment de la provenance sociale et son office était pour la vie.